Au temps des premières croisades - l'Histoire ne précise pas la date - la vieille cité de Montluçon était gouvernée par Archambaud, comte de Montluçon, qui, comme beaucoup d'autres paladins, s'en alla combattre en Palestine, où il succomba. En partant pour la Terre Sainte, Archambaud avait laissé au Château de Montluçon, sous la garde de son écuyer Raimbaud, qu'il croyait fidèle, sa femme Ermengarde et ses enfants. Odile de Montluçon, charmante blonde de seize ans en était l'aînée.
Tant qu' Ermengarde vécut, Raimbaud dissimula ses noirs desseins. Mais la veuve d'Archambaud mourut et dans la nuit qui suivit son trépas, l’écuyer indigne ne craignit pas de satisfaire, par la violence, la brutale passion qu’il avait pour Odile. Affin de cacher son forfait, Raimbaud fit boire un narcotique à sa victime, l’enferma dans un cercueil et simula des obsèques.
Peu de temps après, par une nuit noire, il enferma Odile, en compagnie d’une vieille servante, dans le sauvage château des sires de Lignerolles, dont il voulait en faire son tombeau et où elle mit au monde un fils. L' enfant, élevé au milieu des bois , grandissait et errait souvent sur les rochers d' alentour, vêtu d' une peau de fauve, effrayant par sa vue les pâtres du voisinage, qui baptisèrent alors le manoir du nom de Château de l' Ours.
Un jour, sur les bords du Cher, il fit la rencontre d’un vieil anachorète habitant l’ermitage de Ste Radegonde, auquel il conta les souffrances et la triste odyssée de sa mère. L’ermite, un ancien preux qui avait porté la colichemarde et la cotte de mailles, en informa quelques seigneurs voisins, vassaux de celui de Montluçon, les conduisit au Château de l’Ours et, tous ensemble, s’emparèrent de Raimbaud, au moment où celui-ci venait une fois de plus torturer ses victimes. Le crime de l’écuyer traître et félon, ayant été dévoilé aux habitants de la cité, on le pendit, haut et court, aux créneaux du château de Montluçon.
Odile, ramenée dans la demeure seigneuriale, se retira ensuite dans un couvent de la ville, où elle finit ses jours. Quant à son fils, il s’illustra plus tard en Palestine sous le nom de chevalier Sarrazin.
Telle est la tragédie dont furent témoins les quelques murs qui subsistent encore. Pour l’édification des touristes, promeneurs ou pêcheurs qui hanteront encore ces parages, nous avons tenu à rappeler la légende qui flotte autour de ces ruines archéologiques. |